Depuis deux ans la région Grand Est s’engage pour la valorisation de la création littéraire et artistique de son territoire. Le 27 janvier dernier étaient révélés les lauréats de la seconde édition du Prix du Livre Grand Est ; un pas de plus vers la reconnaissance et la promotion des talents régionaux.
Les Éditions du livre ont été désignées pour l’ouvrage Matriochka dans la catégorie livres d’artistes, livres d’art, livres objets. Ce livre miniature qui raconte la toute petite histoire de 16 poupées russes, telles des icônes modernistes de plus en plus petites. L’auteure, Fanette Mellier, nous invite à la nano-exploration de cette famille multicolore : observés à la loupe, les détails de l’impression, habituellement imperceptibles, deviennent les motifs qui habillent les figurines minuscules.
Quelque soit leur catégorie, les lauréats du Prix du Livre Grand Est témoignent de la créativité et de la complémentarité de chaque acteurs de la chaîne de production du livre.
« Je publie des livres d’artistes jeunesse dans la filiation de Bruno Munari (1907-1988), qui pour moi a inventé tout le vocabulaire du livre jeunesse contemporain par le jeu des plis, des textures de papier et des perforations que l’on retrouve dans n’importe quel livre jeunesse aujourd’hui. C’est dans cette filiation et toujours dans une démarche d’expérimentation autour de l’objet livre que s’inscrit mon travail. » décrit Alexandre Chaize, fondateur des Éditions du Livre avant de nous présenter la Matriochka. « Fanette Mellier a répondu à mon invitation de travailler autour d’un petit objet. Elle a une puissance conceptuelle conséquente et sidérante ! Elle imagine très facilement un projet qui trouvera son intérêt en tant que livre. »
« Ça faisait longtemps que je voulais faire un mini livre, ajoute Fanette Mellier. Je trouve fascinant le rapport au format et à la petitesse dans la fabrication ; j’en ai eu envie avant de savoir qu’il y aurait des matriochkas. Je travaille souvent avec la technique d’impression offset dont l’une des particularités réside dans sa grande finesse et la possibilité d’imprimer des éléments très petits et toujours très nets. Cela me permet d’aller au maximum de la perception à l’œil nu. » Un phénomène accentué par le sujet de la matriochka. « Une poupée en cache une autre et on ne sait jusqu’où ira ce manège assez vertigineux et parfaitement assortie à la narration du détail recherchée par le livre. »
Les lauréats du Prix du Livre sont aussi des acteurs engagés pour la défense des illustrateurs et la présentation d’impressions fantastiques. Les dorures à chaud des Matriochkas en sont un exemple. Habituellement utilisées pour les couvertures et coffrets, elle est ici utilisée à l’intérieur du livre. Cette technique souligne autant la démarche de l’auteure, l’engagement de l’éditeur que les qualités techniques de l’imprimeur : une composition collaborative comme le qualifie Alexandre Chaize. « Il y a quelque chose de musicien. »
Article d’Amélie Cabon paru sur le site Process Magazine le 9 février 2021.